Haiku décortiqué #4 : Santôka

Pour ce nouvel “haiku décortiqué”, je t’invite à découvrir un haiku d’automne de Santôka Tenada (1882-1940), moine zen, vagabond et poète.

Petite récapitulation de ce qu’on attend d’un haiku classique:

  • la métrique 5-7-5, qui donne au haiku classique tout son sens et rend le poème réutilisable dans différentes situations (renga).
  • 1 kigo ou mot de saison qui pose un décor, provoque des images et des sensations dans l’imaginaire du lecteur
  • 1 mot de césure qui viendra donner de la profondeur au poème en suggérant une émotion plus ou moins intense.

L’analyse en image :

*haijin = poète haiku

La métrique 5-7-5

Ici la métrique 5-7-5 n’est pas respectée, mais c’est un choix délibéré et même revendiqué par l’auteur.

En effet, Santôka fait partie de cette nouvelle vague de haijin du début du 20e siècle qui voyaient la forme classique du haiku comme obsolète et figée dans un carcan de règles et d’images ayant perdu leur sens. Il prônait donc l’abandon de la métrique ainsi que l’utilisation du kigo (mot de saison) au profit d’une forme poétique complétement libre. Pour lui la poésie repose sur la “pure expérience” du poète et de sa manière unique de la retranscrire et de la partager au monde.1

Avec ce poème, j’ai envie de t’inviter à la réflexion.

Si les poètes du début du 20e siècle se sont rebellés contre les règles du haiku classique (haikai de Bashô et haiku de Shiki), comment aujourd’hui, peut-on différencier un haiku de forme libre (sans règles) d’un poème court ? En d’autres termes, est-ce qu’un poème libre reste un haiku ?

Donne-moi ton avis en commentaire ou par retour de mail.

1.COLLET Hervé, CHENG Wing fun, A la recherche de l’instant perdu, anthologie du haiku, éd. Moundarren, 1991, p.7-8.

Un kigo

Ici, même si pour Santôka le kigo n’est pas obligatoire, on trouve le kigo shigure ou “averse d’automne”. Ce terme ajoute une dimension de solitude liée à cette saison. Ce seul mot donne tout son sens à ce poème si court. On comprends ainsi l’importance du kigo qui permet de faire résonner scène et expérience dans le corps et le cœur du lecteur. Sans le lecteur, ce poème serait un peu nu.

Un mot de césure

Le mot de césure dans ce poème est ka, soit la question. Le poète (et le lecteur) se trouve dans un moment d’incertitude ou l’appel aux souvenirs et à l’imaginaire est fortement sollicité. Ainsi face au doute évoquée par cette scène, chacun se remémore le bruit de la pluie d’automne, amortie par les feuilles mortes, forte de cette odeur terreuse, en comparaison à la tempête d’été si violente et le pluie de printemps si salutaire.

Pour toi, quelle bruit fait la pluie d’automne ?

Alors ?

Et toi, quelle est ton interprétation?

Est-ce que dans tes poèmes tu arrives à suggérer ce genre de scène on es-tu encore trop dans la description?

Pour aller plus loin…

Découvre les poèmes de Santôka avec ce recueil aux éditions Moundarren : Santôka, zen, saké et haïku, 2013.

Pour t’aider avec les kigo et les mots de césure, découvre mes leporello, des outils mini format idéal pour t’accompagner dans ton écriture.

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(C) Le Japon avec Andrea, 2023, tous droits réservés.

HAIKU : matcha et rituel d’écriture

Dans cet article, j’avais envie de te partager mon petit moment d’écriture, particulièrement propice quand vient l’automne et ses premières vagues de froids.

En temps normal, j’aime aller me promener et me laisser inspirer par la nature. Exposer son corps aux éléments rends les kigo beaucoup plus concret et permet parfois de “débloquer” l’écriture.

Aujourd’hui je te partage un autre rituel d’écriture que j’aime bien, qui ne nécessite pas cette fois de chausser bottes et cache-nez.

Le rituel

  1. J’aime me fouetter un thé matcha (voir la recette ci-dessous), m’installer confortablement sous un plaid ou à la fenêtre près du radiateur et sortir mon cahier dédié au haiku.
  2. Je choisis un kigo qui me plaît, m’inspire, me questionne ou me semble propice à l’écriture à ce moment précis.
  3. Je fais une liste de mots et d’émotions que m’évoque ce kigo. J’essaye d’ouvrir mon champ lexical et de me laisser surprendre.
  4. Je laisse le ou les poèmes venir à moi, tranquillement, sans pression.
  5. Tout en finissant mon matcha, je prends le temps de me détacher du/des poèmes écrits. C’est peut-être l’occasion de lire un ou deux haiku de mon auteur préféré ou de regarder par la fenêtre les jeux colorés de l’automne.
  6. Je prends ensuite le temps de relire mon/mes haiku (ça peut être plusieurs jours plus tard, donnant lieu à un nouveau moment de thé).

Les points à vérifier:

  • la métrique 5-7-5
  • 1 seul kigo
  • 1 seule émotion
  • les répétitions (de sons, de sens,…)
  • les rimes
  • est-ce qu’il y a de la place pour ton lecteur ?

Si un ou des points ne sont pas respecter ou me posent problème, je retravaille le poème ou j’en écris un nouveau.

Ce travail d’écriture est vraiment important et me permet de mieux me connecter à ma sensibilité et aux vibrations de la saison en cours. Je me sens ancrée dans le moment présent et quand je reviens sur ces poèmes plus tard, ils me satisfont et je me sens validée dans mon écriture.

Si je ne fais pas ce travail, par la suite je suis souvent déçue par mes poèmes car je réalise après coup qu’ils sont vides de sens ou redondant et qu’ils ne transmettent pas l’émotion ou le “tableau” que j’avais envie de partager.

Tu veux un exemple ?

Premier jet

sourire fugace

les doigts du vent

à la surface de l’eau

-> pas de kigo, trop descriptif, pas d’émotion

Version après travail

sourire fugace

dansant au vent d’automne

nos ombres mêlées

-> plus d’espace et de zones d’interprétation pour le lecteur.

Si tu veux découvrir toutes les étapes de travail d’un poème à l’autre, rejoins “Haiku : la boîte à outils”. J’y ai posté une vidéo où je détaille tout le processus.

Est-ce que toi aussi tu retravailles tes haiku ou préfères-tu les laisser tels quels ? Est-ce que tu aimes relire tes anciens poèmes ? J’ai hâte de te lire.

Recette du matcha

Matériel nécessaire:

  • un bol chawan ou bol à thé. Peut être remplacé par un bol d’environ 15cm de diamètre à fond assez plat.
  • une cuillère chashaku, longue cuillère en bois qui sert à mesurer le matcha (peut être remplacé par une cuillère à café)
  • un fouet chasen, fouet en bambou spécifique à la préparation du thé matcha, ou un petit fouet de cuisine.

Ingrédients (pour un thé léger usucha)

  • 2 cuillères chashaku (env. 1 c.c) de poudre de thé matcha
  • 160 ml d’eau à 80 C°
  • un wagashi de saison (pâtisserie traditionnelle japonaise) ou un morceau de takuan (pâte de haricot rouge sucré en barre) facile à trouver dans les magasins d’alimentation japonaise. Peut être remplacé par une petite pâtisserie occidentale.

Préparation du thé

  1. Faire chauffer l’eau jusqu’à frémissement (ne pas faire bouillir l’eau).
  2. Verser 2 cuillères chashaku de poudre de thé dans le bol.
  3. Verser environ 160 ml d’eau frémissante sur le thé et fouetter délicatement avec le chasen (ou le fouet de cuisine).
  4. Manger la pâtisserie japonaise AVANT de boire le thé. La douceur du wagashi va contrebalancer l’amertume du matcha et sublimer ton expérience.

Enjoy!

(c) Le Japon avec Andrea, 2023.

La roue des kigo d’été

Bon, ok , c’est toujours pas une roue, mais l’essentiel est là!

Tu es en panne d’inspiration?

Tu n’arrives pas à choisir un kigo ?

Tu veux un peu de fun dans ta vie ?

Bam, voilà une petite joie à ajouter à ta liste aujourd’hui!

Mode d’emploi

Fais une capture d’écran (ou une photo avec ton téléphone si tu ne sais pas ce qu’est une capture d’écran…) de ma petite animation ci-dessous pour découvrir le kigo à utiliser aujourd’hui !

L’idée te plait?

Découvre ma boite à outils spécial écriture de haiku!

Le principe?

Des jeux, des défis, des explications et des exercices concrets pour réellement comprendre et intégrer les notions recherchées dans tout bon haiku qui se respecte (dixit Bashô) :

  • des kigo efficaces
  • les mots de césures
  • la recherche de la simplicité
  • la maîtrise de la suggestion (au détriment de la description)
  • la légèreté
  • l’humour
  • la confrontation de l’immuable et de l’éphémère
  • etc.

Une fois que tu t’es procuré la boite à outils, tu y auras accès indéfiniment ainsi qu’à toutes les mises à jours (et nouveautés).

Infos et inscription ici !

Haiku décortiqué #3 : Matsuo Bashô

Pour ce nouvel “haiku décortiqué”, je t’invite à découvrir un haiku d’été de Matsuo Bashô (1644-1694).

Petite récapitulation de ce qu’on attend d’un haiku classique:

  • la métrique 5-7-5, qui donne au haiku classique tout son sens et rend le poème réutilisable dans différentes situations (renga).
  • 1 kigo ou mot de saison qui pose un décor, provoque des images et des sensations dans l’imaginaire du lecteur
  • 1 mot de césure qui viendra donner de la profondeur au poème en suggérant une émotion plus ou moins intense.

L’analyse en image:

La métrique 5-7-5

Si ici le poème entier fait bien 17 syllabes, la métrique 5-7-5 est un peu bousculée en français… (en japonais elle est bien présente).”Le chant des cigales” est une ligne en 5+ (5 syllabes + 1 e muet) et la troisième ligne est de 4 syllabes.

Étant une traduction et non un de mes poèmes, j’ai choisi de privilégier le sens japonais et de ne pas ajouter un adjectif qui compléterait la métrique. Pourquoi? Parce que Bashô n’a pas préciser la nature de son silence. Est-ce que c’est un silence doux? profond? salvateur? étonnant? Mystère. En traduction, choisir d’ajouter un adjectif ou un mot risque de donner une autre intension au poème que celle initialement voulue par Bashô. Risque que je n’ai pas voulu prendre!

En japonais, une des raisons pour lesquelles la métrique 5-7-5 est tellement utilisée en littérature, est qu’elle est naturellement présente dans la langue japonaise. Des expressions et locutions courantes utilisent cette métrique et comme on le voit bien ici, shi-zu-ka-ya, pas besoin de fioriture.

En français bien sûr, c’est un peu différent. Donc si pour combler le nombre de syllabes tu choisis de mettre un adjectif, voici quelques questions à te poser :

  • Qu’est-ce que ce mot va apporter à ton poème ?
  • Est-ce que tu as déjà mis 3 autres adjectifs ?
  • Est-ce qu’il y a répétition ?
  • Est-ce que cet adjectif supporte le sens général de ton poème ou est-ce qu’il amène de la confusion ?
  • Est-il vraiment utile au niveau du sens ?
  • Comment faire pour le rendre utile ?

Un kigo

Ici le chant des cigale, élément incontournable des étés à la campagne. Il s’agit d’un kigo très efficace car si tu as déjà passé un été dans le sud ou près des champs, tu sais ce qu’il implique: chaleur, soleil, silence lourd de la sieste, bruit de fond incessant, etc. Pour chaque lecteur, l’effet sera différent. Ce qui est certain, c’est qu’une panoplie de sensations et d’émotions vont surgir du fond de chaque mémoire pour rendre ce kigo tangible et donner une dimension sonore et vivante à ce poème.

Un mot de césure

Ici le mot de césure en japonais est ya, qui donne une nuance de surprise, d’étonnement et d’admiration. Si kana marque plutôt l’emphase, ya marque la surprise suivie de l’admiration face à l’élément qui le précède, ici le calme, la tranquillité, le silence (shizukasa).

Attention, il y a autant d’interprétation que de lecteur! Par exemple, est-ce que chant des cigales est tellement présent qu’on finit par ne plus l’entendre? est-ce que le chant des cigales fait partie intégrante du “tableau” de l’été et confère à ce temps estival son rythme calme? est-ce qu’au contraire, parce que l’auteur est dans la montagne le chant des cigales est littéralement absorbé par la roche? Tout est possible.

Alors ?

Et toi, quelle est ton interprétation?

Est-ce que ce genre d’analyse poussée t’aide, te questionne, te confond en perplexité ? N’hésite pas à partager tes ressentis avec moi.

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(C) Le Japon avec Andrea, 2023, tous droits réservés.

Le livre du mois- juin 2023

Japon, L’archipel aux 72 saisons

Zoé Jégu

La division de l’année en 24 saisons est relativement répandue auprès du grand public. A la télévision, les bulletins météo y font régulièrement allusion et certaines marques n’hésitent pas à en faire un argument marketing.

Les 72 micro-saisons, en revanche, ne sont connues que par les personnes qui s’intéressent de près à l’ancien calendrier. C’est notamment le cas des haïkistes qu choisissent avec précaution les expressions saisonnières (kigo 季語) pour leurs poèmes.*

Shôman (小満) : La petite abondance, à partir du 21 mai

La vie sous toutes ses formes commence à foisonner : la végétation devient luxuriante, les insectes volettent dans les airs, les fleurs s’épanouissent, les fruits mûrissent… Toute la création est parcourue d’une énergie de croissance et de vitalité. […] **

Si tu aimes écrire des haiku ou en lire ou simplement suivre les changements de saison dans leur microcosme, ce livre est fait pour toi ! Simple, clair, avec des explications fouillées et de magnifiques illustrations, ce livre est à feuilleter au fil des saisons ou à étudier consciencieusement. Entre fêtes traditionnelles, coutumes populaires et activités humaines, prépare-toi à un véritable voyage au Japon sans bouger de ton canapé.

Au plaisir de lire tes commentaires!

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*JEGU Zoé, Japon, L’archipel aux 72 saisons, éd. Sully, 2023, p.15.

** Ibid, p.60.

Haiku : ma sélection de livres

Voici une petite vidéo décontractée en cette fin d’année pour te partager mes go to dès qu’il s’agit de livres autour du haiku.

Si tu me suis depuis un moment, certains ouvrages ne te surprendront pas… pour les autres c’est cadeau!

Je précise que dans le domaine des livres sur le thème du haiku il y en a pour tous les goûts et ici je te partage mes coups de cœur ainsi que les atouts et les inconvénients de chaque édition à mon sens.

Personnellement, je suis assez critique car j’écris des haiku, donc au-delà du plaisir de la lecture ce sont aussi des outils de travail. Dans la même idée, j’aime la langue japonaise (que je parle) donc pouvoir lire les haiku grâce à une transcription sans avoir besoin de chercher les kanji non simplifiés ou calligraphiés est un plus…

Bref, selon tes goûts et tes besoins, tu sauras trouver les ouvrages qui résonnent en toi… ou pas.

Si tu as déjà une bibliothèque personnelle full de livre sur le haiku, n’hésite pas à partager en commentaire ta liste de favoris. Et si tu est novice, vas te perdre dans les rayons de la bibliothèque côté littérature japonaise ou poésie ou encore dans ta librairie préférée et fais ta propre sélection!

J’ai hâte de découvrir tes goûts en matière d’édition poétique \\ (^ – ^) //

Bibliographie complète (par ordre d’apparition) :

  • CHENG Win fun & COLLET Hervé (trad. du japonais par), On se les gèle! haikus d’hiver, éditions Moundarren, 1990.
  • CHENG Win fun & COLLET Hervé (trad. du japonais par), Ah! le printemps, le printemps ah!, ah! le printemps, haikus de printemps, éditions Moundarren, 1991.
  • KERVERN Alain, Grand Almanach Poésie Japonais, éditions Folle Avoine, 1992. 5 volumes:
    • Livre I, Matin de neige, le Nouvel An
    • Livre II, Le réveil de la loutre, le printemps
    • Livre III, La tisserande et le bouvier, l’été
    • Livre IV, A l’ouest blanchit la lune, l’automne
    • Livre V, Le vent du nord, l’hiver
  • CHIPOT Dominique, KEMMOKU Makoto (trad. et prés. par), L’intégrale des haïkus: Bashô, seigneur ermite, éd. Points, 2014.
  • CHIPOT Dominique, KEMMOKU Makoto (trad. et prés. par), Anthologie, du rouge aux lèvres, Haijin japonaises, éd. La Table ronde, 2008.
  • MABESOONE Seegan (choisis, présentés et traduits par), IKEDA Mitsuru (haiga), Kobayashi Issa, Haïkus satiriques, éditions Pippa, 2015.
  • TREVISAN Elisabetta (sélection des textes et choix iconographique), Haiku: Les paysages de Hokusai, éditions du Seuil, 2017.
  • TREVISAN Elisabetta (sélection des textes et choix iconographique), Haiku: Pensées de femmes, éditions du Seuil, 2018.

Si tu aimes les haiku et que tu veux apprendre à en écrire, inscris-toi à ma newsletter bimensuelle dédiée au haiku et à la littérature japonaise.

Quiz Haiku #1

Pour s’amuser un peu est varier mes publications instagram sur le thème du haiku, je t’ai proposé un petit quiz.

Voici un de mes haiku, à toi de choisir qu’elle 3e ligne est la plus appropriée?
….
sous la bouillotte
je compte mes cheveux blancs


A. et le temps file…
B. dans un bâillement
C. poussière de vie

….

Quelle réponse as-tu choisie ?

Voici mon retour en vidéo (7 minutes).

Bisous

Mes 5 outils indispensables pour écrire des haiku n’importe où

Aujourd’hui je t’emmène avec moi sur les chemin de l’écriture poétique.

Dans ton sac tu auras besoin d’une gourde, de couleurs, d’une dose de bonne humeur, mais aussi ces 5 outils indispensables pour faire de cette expérience un moment exceptionnel.

Outil #1 : la nature

Il te suffit d’ouvrir les yeux pour observer la nature sous tous ses angles avec tous tes sens. La nature est une source d’inspiration poétique infinie à qui sait la regarder, spécialement quand on aborde l’écriture de haiku.

Unis ton cœur à ses battement s d’ailes et l’écriture ne sera que plus aisée.

Image (C) AVillat 2022. Novembre au bord du Léman.

Outil #2 : la lecture

Un ou deux livres de référence. Moi j’adore les recueils des éditions Moundarren qui répertorient les haiku des quatre saisons, mais qui présentent aussi différents auteurs avec la version originale des poèmes et leur traduction française.

J’aime aussi les anthologies proposées par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku (éd. La Table ronde) ou encore le “Grand Almanach Poétique Japonais” (5 volumes) d’Alain Kervern aux éditions Folle Avoine. Une merveille.

Bref, accompagne-toi d’auteurs plus ou moins connus qui t’aideront à trouver l’inspiration si besoin.

Assis sur une pierre à lire tes haiku préférés à haute voix dans le silence de la forêt est aussi une expérience à tenter…

Image (C) AVillat 2022.

Outil #3 : un carnet dédié

Un joli carnet dédié à ton écriture de haiku. Rien de pire que de chercher un petit poème perdu entre deux prises de notes ou au dos de la liste de course… Choisi un joli carnet plus ou moins épais selon ta pratique.

Jusqu’à récemment j’utilisais différents carnets au fil de trouvailles inattendues, mais maintenant j’ai créé un format de carnet A5 ou A6 au design spécialement pensé pour l’écriture de haiku. C’est génial et tellement pratique : une page dédiée à la prise de note et une page dédiée au haiku final avec de la place pour un dessin, une fleur séchée ou autre trésor déniché au fil de ce temps pour toi.

Image (C) AVillat 2022

Outil #4 : un répertoire de mots de saison

Le site saijiki en français proposé par Seegan MABESOONE qui regroupe de nombreux kigo classés selon les saison. Ce site te permet de découvrir de jolis mots de saison (couleurs de montagne, la montagne rit, les eaux limpides, etc.) et de t’inspirer quand tu es en panne.

C’est un très bon moyen de commencer quand on ne se sent pas tout à fait dans le coup. Choisis un kigo qui te parle et écris.

Image by Susann Mielke from Pixabay (libre de droits).

Outil #5 : un dictionnaire

N’oublie pas de prendre ton dictionnaire ! Papier ou numérique, les dictionnaires de synonymes ou de scrabble te permettront de trouver le mot juste tout en préservant le nombre de syllabes.

Image (C) AVillat 2022.

Et toi, quels sont tes outils incontournables ?

N’hésite pas à partager en commentaires

Haiku décortiqué #1 : Masaoka Shiki

Entends-tu danser les feuilles mortes ?

Le choix du kigo est fondamental pour transmettre à ton lecteur le cadre dans lequel tu souhaites qu’il se balade. Un kigo se doit d’être efficace et certains mots laisseront plus de place à l’évasion imaginaire de ton lecteur.

Aujourd’hui je te propose de te pencher sur les feuilles mortes avec un poème de Masaoka Shiki. Ce kigo est riche et versatile car il évoque à lui seul différentes dimensions sensorielles : auditive, olfactive, visuelle ou encore temporelle.

Au niveau de la forme, qu’est-ce qu’on cherche?

  • 5-7-5 syllabes
  • 1 kigo
  • 1 césure

L’analyse en image :

————————–

5-7-5 syllabes

Ici on a un bel exemple de non-respect du compte des syllabes dans la traduction française. Pourquoi ? Parce que la priorité est mise sur le sens du poème.

Les traducteurs auraient pu ajouter des fioritures pour combler le nombre de syllabes, mais le haiku aurait perdu de sa force. Il est très difficile de traduire un haiku en respectant à la fois sa forme et son sens, sans en faire trop, sans expliquer tout en restant léger…

Littéralement on aurait pu mettre venues d’ailleurs en volant, car tondekuru signifie “venir en volant”.

Est-ce nécessaire ?

La réponse est non.

On cherche la légèreté ! Le travail du lecteur est justement d’imaginer le chemin de ces feuilles venues là. Par association d’idée (une feuille ne rampe pas, ne croule pas, etc.), l’image est claire sans pour autant avoir besoin de mentionner chaque détail au risque d’empâter le poème inutilement.

Le kigo

Ici on pourrait argumenter qu’il y a deux kigo : fin de l’automne (kureru aki) et les feuilles mortes (rakuyô).

Dans ce cas, le kigo principal est fin de l’automne. C’est un kigo assez large, n’est-ce pas? Donc pour préciser sa pensée et évoquer un sentiment plus clair, Shiki pointe ce qu’il veut que l’on regarde, à savoir les feuilles mortes.

La fin de l’automne voit les feuilles ayant pris des couleurs de feu et de flamme (au début de l’automne) sombrer dans les ocres et s’éteindre peu à peu. D’ailleurs, la césure joue son rôle à merveille !

Notons que le verbe kureru est intéressant car il signifie “faire sombre”. Il est par exemple utilisé pour dire “le jour tombe” (hi ga kureru) ou “l’année touche à sa fin” (toshi ga kureru). On a donc clairement cette notion de fin, mais aussi cette notion luminosité qui s’estompe, de jour qui raccourcissent, de saison qui avance vers l’hiver… Le choix des mots est fondamental !

La césure (kireji)

Ici le mot de césure en japonais est ya. Comme la plupart des mots de césure, une traduction directe en français est impossible… mais il vient mettre l’accent sur le mot qu’il précède, ici rakuyô, et lui donne une nuance émotive liée à l’admiration ou l’exclamation. En français, les traducteurs ont choisis de placer ce mot, les feuilles mortes, en première ligne, pour nous signifier son importance.

Notons qu rakuyô signifie littéralement la défoliation ou la chute des feuilles (mortes). On a déjà une dimension en plus que simplement les feuilles mortes. L’accent est mis sur la “vie” de la feuille plus que sur sa mort. Cet aspect est accentué encore par la deuxième ligne : venues d’ailleurs. Le jeu sur l’association incongrue entre les feuilles mortes et l’action de venir, qui implique un mouvement, une vie, donne toute sa force à ce haiku.

On comprends mieux pourquoi cette deuxième allusion à l’automne est en réalité utile : elle donne du mouvement, de la vie à l’ensemble.*

Si on se rappelle encore que Shiki, atteint d’une tuberculeuse osseuse, passera beaucoup de temps alité, avec pour seule distraction la vue sur son jardin, ce haiku revêt encore une autre dimension. La vue des feuilles mortes, dansant dans le vent, devient un véritable spectacle. Leur venue mystérieuse incite le poète à se demander d’où elles viennent avant de simplement se perdre dans la contemplation des couleurs et éventuellement se souvenir que la fin de l’automne est déjà là, annonçant également que la saison morte (l’hiver) n’est pas loin. Tout comme le poète se rappelle sans cesse que sa propre mort n’est probablement pas loin non plus…

Alors…

Qu’est-ce que tu en dis ? Est-ce que ce genre d’analyse poussée t’aide, te questionne, te confond en perplexité ? N’hésite pas à partager tes ressentis avec moi en commentaire de cet article.

… … …

* Quand je te donne des conseils sur l’écriture de haiku, je commence toujours par dire “évite les répétitions de kigo”… Ici je vais nuancer un peu.

Comme on l’a vu avec Shiki, si on sait ce qu’on fait et que la répétition de l’évocation de la saison fait sens et donne de la force au poème, alors il n’y a pas de problème! A l’inverse, souvent lorsque l’on débute dans l’écriture de haiku, on a tendance à décrire ce qu’on voit, un sentiment, etc. Dans ce cas là, ajouter plus d’un kigo n’est souvent pas voulu ou maladroit.

Il s’agit donc de faire un pas de plus dans la construction de ton haiku en réfléchissant à la place, au rôle de chaque mot dans ton poème. Est-ce que chaque élément est pertinent? Est-ce que les images évoquées sont claires ? Est-ce qu’il y a peut-être trop d’évocations différentes qui pourraient perdre le lecteur?

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Pour t’aider à toujours mieux comprendre comment fonctionne un haiku pour au final réussir à mettre plus de légèreté et plus d’émotions dans tes poèmes, je lance cette série “Haiku décortiqué”.

Pour plus d’astuce rejoins ma newsletter dédiée au haiku et à la littérature japonaise. Tu peux t’inscrire via le formulaire présent dans le menu d’en-tête.

(C) Le Japon avec Andrea, 2022, tous droits réservés.

L’exposition “Un souffle de poésie” c’est la semaine prochaine !

Je suis tellement heureuse de pouvoir ENFIN vous présenter cette exposition ! Vous y découvrirez entre autres :

Haiga – aquarelle
  • des Haiga (haiku illustrés) à l’encre, à l’aquarelle ou au crayon, réalisés lors des différents ateliers créatifs organisés en 2020 et 2021.
  • des Haisha (haiku sur photo), seul ou en collaboration, ces photos vous emmèneront au Japon en un souffle!
  • un Haisha collectif (réalisé en ligne entre 2020 et 2021) autour d’une photographie de Bernard Villat.
Haisha collectif
  • des Sumi-e (peinture au lavis), pour ajouter encore un peu de délicatesse à l’ensemble.
  • des photographies de Bernard Villat prises lors de son voyage au Japon en 2010 et qui pourront vous servir d’inspiration pour vos premiers haiku (livre d’or à disposition).
  • des Haiku gravés sur verre grâce à ma collaboration avec Isabelle van den Berghe, artiste de l’Espace Gaimont. Les jeux de lumières vous raviront !
Sumi-e
  • des Leporellos fais main et peints à la manière de rouleaux maki-e. Entre poèmes et dessins, la ligne est maîtresse.
  • un espace Boutique vous proposera des articles de papeterie:
    • carnets A6 parsemés de poèmes
    • des cartes postales
    • des leporellos vierges
    • des “Hai-cha”(ma dernière création!) c’est-à-dire des sachets de thé agrémentés de haiku du matin, de l’après-midi et du soir pour vivre la magie du haiku au quotidien!
Hai-cha

Rendez-vous le week-end prochain, du 08 au 10 octobre, à l’Espace Gaimont (9 ch. Gaimont, 1213 Petit-Lancy).

Vernissage : vendredi 08 octobre dès 17h.

Exposition : samedi 09 – 11h à 18h et dimanche 10 octobre – 11h à 17h

Finissage lecture & musique : dimanche 10 octobre entre 15h et 16h

Selon les directives officielles, la présentation d’un certificat Covid est nécessaire pour accéder à l’exposition. Merci de votre compréhension.